
En janvier 2012, j’ai exposé pour la première fois de ma vie une image dans la rue. On pouvait y voir le portrait en noir et blanc d’un jeune homme plongé dans l’eau dont, personnellement, je lisais le visage comme à la frontière de l’abandon, les mains encore posées sur la vitre dessinée par le papier sur lequel il était imprimé. J’ai poursuivi cette série un peu plus tard, au cours de l’été, et exposé neuf portraits supplémentaires. A travers cette série, j’ai voulu exprimer ce sentiment d’oppression auquel je suis confronté chaque jour, habitant d’une grande ville – Paris – au cœur de laquelle trouver sa place n’est ni aisé ni donné à tout le monde. Ce sentiment de congestion, d’étouffement quotidien est symbolisé par l’acte de noyade de mes portraits. La problématique qui s’est posée à moi dans cette démarche est d’essayer de comprendre les mécanismes de la vie urbaine qui conduisent à un sentiment de mal-être et d’isolement généralisé de façon à pouvoir les transposer en une image forte, symbolique pour le plus grand nombre. Je les expose ici, au fil de ces lignes, au travers d’exemples historiques, macroscopiques et humains. Les réalités historiques qui définissent la société dans laquelle nous vivons entrainent l’hégémonie des médias d’image actuels qui ont des conséquences probantes sur la vie en société telle que nous la ressentons aujourd’hui et qui finissent par avoir des effets sur l’individu au plus profond de sa personne, dans son conscient comme dans son inconscient, en opérant un glissement de repères et de valeurs.
Plusieurs épisodes historiques ont fondé les villes telles qu’elles se présentent à l’heure actuelle. L’exode rural mondialisé fut probablement celui qui en changea le plus la physionomie, générant une architecture plus dense, plus haute et surtout plus vaste. Des millions de personnes sur des surfaces relativement faibles représentaient désormais un potentiel économique immense. Or le monde communiste est tombé, sa chute sculptant l’hégémonie capitaliste en une statue devant laquelle tous devraient soudain s’agenouiller. Une opportunité se présentait : saturer le paysage urbain de messages commerciaux, entrainant le peuple mondial à consommer toujours davantage. La part du gâteau était soudain devenue beaucoup plus grosse.
Drowning, quels dangers dans la société de l’image?